Zouglou et Couper-decaler, Symboles ivoiriens

La musique est en Afrique, un symbole incontesté d’expression culturelle.

A chaque pays, son rythme -emblême. Là d’où je viens (Le Cameroun), on citera le Makossa ou Le Bikutsi. Au Congo, c’est le Ndombolo ou le Soukouss alors qu’au Ghana ou au Nigeria, on pourra citer le Highlife. La Côte d’Ivoire (une de mes terres d’adoption que j’ai si hâte revoir) n’aura pas failli à la règle. Ainsi, allons ensemble à la découverte du Zouglou et du Couper-décaler, deux mouvements musicaux parfois considérés comme antagonistes mais symboles, oh combien forts, d’une certaine Côte d’Ivoire!

La décennie 80-90 est marquée dans le monde et particulièrement sur le continent, par une récession économique très dure. De même, la jeune Afrique indépendante est en grande partie dirigée par des caciques, qui ont installé des partis uniques et répriment sévèrement toute velleité d’opposition. Les années 90 marqueront donc partout, l’avènement d’une èredémocratisation et d’ouverture sur l’impulsion des populations que la crise et la misère associée auront rendu moins malléables.

En Côte d’Ivoire, le mouvement sera lancé un soir de Février 1990, par les étudiants de la cité universitaire de Yopougon (banlieue populaire de la ville d’Abidjan, capitale économique du pays). Suite à une ènième coupure d’éléctricité, à la veille d’ examens critiques, les étudiants se soulèvent. Le mouvement ne durera pas qu’une nuit, s’étendra au syndicat des professeurs, puis au reste de la société. Les revendications sont fortes et non-négotiables: multipartisme, meilleures conditions sociales et malgré la répression policière, le président Félix Houphouet- Boigny (l’homme au chapeau mou), finira par céder.

10 ans de Zouglou
Le Zouglou en CI

Le mouvement Zouglou né à Yopougon dans les années 86 prend définitivement son essor en 1990 avec le mouvement social. Il sert aux étudiants comme moyen d’expression. Le premier groupe de Zouglou « Les parents du Campus », relate la vie des étudiants et les nombreuses difficultés qu’ils sont les leurs. Les groupes se multiplieront, et les sujets s’élargiront: messages politiques, leçons de vie, l’amour et l’argent, le tribalisme, etc.. Le zouglou se chante en français facile mais aussi en nouchi (argot ivoirien) et se caractérise par le ton humoristique utilisé pour exprimer les messages et bien sûr par les danses diverses qui lui sont associées (ex: Le Mapouka). Quelques-uns de mes artistes préférés (qui ont marqué mon enfance et mon adolescence) sont Espoir 2000, Soum Bill, Magic System, Petit Yodé & Siro, et Les Garagistes. Le Zouglou s’écoute facilement, se retient instantanément et se danse avec passion et spontanéité.

Le Couper-Décaler quant à lui,  semble diametralement opposé. En 2002, se développe au sein de la communauté ivoirienne en France. Le « couper-décaler » fait référence à l’expression « couper » qui fait référence au vol, à l’arnaque et « décaler » qui décrit la fuite. De même, les inventeurs du mouvement y ont associés une danse, caricature de la danse traditionnelle du groupement ethnique Attie (Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire) dont l’un des villages- phare se nomme  « Akoupé ». Je résumerai le Couper-Decaler à trois expressions: show-off, beat électronique, Djs. Ces trois charactéristiques en font l’antithèse (à mon humble avis) du Zouglou. Les rythmes sont légers, les paroles très répétitives, et ses maîtres- mots sont ambiance et bringue.

De sa naissance en 2002, au sein du groupe Jet Set (Doug Saga Le Président, Molare, Boro Sanguy, Solo Béton, Chacoolé, Lino Versace, Kuyo Junior et Serge Defalet), il s’installe en 2003 dans une Côte d’ivoire ravagée par une crise politique d’ampleur. C’est une réponse à la guerre, finalement très charactéristique de la joie de vivre et de l’insouciance propres au peuple ivoirien. Il s’agit de continuer à « manger la vie » (Carpe Diem) envers et contre tout.

Le mouvement qu’on avait annoncé éphémère, est encore très présent, près de douze ans après et en dépit du décès de son fondateur, le Président Doug Saga. Il s’est internationalisé avec des figures haut-en-couleurs  telles que Dj Arafat ou Serge Beynaud et le retour en force de certains fondateurs (Molare et Lino Versace).

Vous avez désormais le choix chers lecteurs. Personnellement, j’ai fait le choix de ne pas choisir. Zouglou et Couper-Decaler occupent une place de choix dans mon répertoire musical, chacun avec une fonction particulière. Pour moi, les deux mouvements représentent ma belle Afrique: une Afrique qui ose, une Afrique qui voit grand, une jeunesse africaine engagée. Magic System, chantre du Zouglou, est un groupe reconnu dans le monde entier (oui, oui, j’assume) avec le célèbre »1er Gaou ». Dj Arafat, emblême du Couper-Decaler s’est déjà vu nominé aux MTV Music Awards. Ici, je m’arrête et je vous écoute. Zouglou ou Couper-Decaler?

Bonne Fête de Pâques à tous les Chrétiens.

XoXo
AKS

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